Présentation de la Voix du Peuple, organe officiel de la Fédération des Unions ouvrières de la Suisse romande [1]
L’hebdomadaire La Voix du Peuple, publié à Lausanne dès 1906, puis à Genève de 1912 à 1914, est imprimé par l’Imprimerie communiste à Pully, jusqu’en 1906 à 2.000 exemplaires, puis à 2.700 et à 1.000 dès 1913. La FUOSR [2] publie aussi chaque année, de 1908 à 1913, l’Almanach du Travailleur. Le journal est l’organe de combat des syndicalistes de la FUOSR ; il fait la chronique locale, nationale et internationale des luttes ouvrières, mais il promeut aussi le néomalthusianisme et les méthodes contraceptives, l’égalité entre les hommes et les femmes, le coopérativisme révolutionnaire, l’antimilitarisme, l’antiparlementarisme et la libre pensée, il informe sur les ravages de l’alcoolisme et sur les maladies professionnelles, il propose des réflexions sur l’éducation rationaliste et antiautoritaire. Bertoni pour sa part ne semble pas enthousiasmé par le néomalthusianisme [3] ; au contraire, le syndicaliste révolutionnaire G. Devincenti et les anarchistes G. Noverraz et S. Casteu en sont de fervents champions. Dès le 5 septembre 1908, la revue Vie intime de Valentin Grandjean paraît à l’intérieur de l’hebdomadaire syndicaliste ; le Département fédéral des postes en interdira les expéditions dès mai 1909, mais "un camarade médecin" (Jean Wintsch) continuera de donner, sur demande, des informations gratuites sur les méthodes anticonceptionnelles alors que la librairie de la FUOSR envoie sur demande des conseils, des brochures, pratiques ou théoriques, des préservatifs, etc.
Henri Baud, principal animateur de l’Union ouvrière de Lausanne, typographe à l’Imprimerie communiste, est un des nombreux militants déçus par le réformisme politique et syndical ; il explique ainsi son choix d’être au côté des anarchistes : "J’ai travaillé côte à côte avec des anarchistes dans le mouvement syndical. Pour mon compte personnel, les étiquettes m’importent peu, pourvu que l’on agisse et que l’on travaille contre le patronat. Maintenant, je suis définitivement fixé : c’est du côté des politiciens que se trouvent les confusionnistes et les désorganisateurs de la classe ouvrière [4]."
Par ailleurs, des courants individualistes, ou "anti-organisateurs", se manifestent vivement en Italie et dans les deux Amériques, parmi les émigrés italiens. Ces mouvements cherchent à s’opposer aussi au syndicalisme, parfois avec un certain succès : "la tendance anti-organisatrice, si chère à certains, n’est que la dernière cause des mille difficultés que l’on rencontre pour réaliser la moindre initiative" [5]. En Suisse, certains périodiques de cette tendance, comme L’Azione anarchica/L’Action anarchiste, publiée à Genève par Henri-Louis Truan en 1906, en collaboration avec le groupe de langue italienne Germinal, ne parviennent à publier que quelques numéros. Plus tard, Bertoni évoquera le petit groupe rassemblé autour du journal La Rivolta, publié à Bâle, puis à Lugano, comme "la tentative d’un certain Bartolozzi, qui en Italie était fonctionnaire syndical, mais, en Suisse, s’est transformé en quelques semaines en individualiste, au-delà du bien et du mal, terroriste, etc. Il ne réussit pas à créer de division entre nous" [6].
Biographies [7]
... et d’autres biographies que l’on peut consulter sur le site "Chantier biographique des anarchistes en Suisse" :
- Aspesi Pierre, Louis
- Bignasci Giulio (Jules)
- Bischoff Ernest
- Blanc Henri Gustave (ps : Gabarit L.)
- Bovet Aimé
- Coullery Jules
- Dallemagne Louis
- Droz Jules Ernest
- Duvaud Emile-François
- Jaques Edouard Ernest
- Jeanrichard Charles (detto Boissel)
- Kuhn François, Joseph
- Paris Léon
- Métrailler Guillaume
- Reymond Alfred François Lucien
- Rouiller Auguste
- Rochat Théodore Auguste
- Spichiger Auguste
Almanach du travailleur
- Pour l’année 1910
- Pour l’année 1912
- Sommaires de la Voix du Peuple (1906-1914) :
[1] Extraits du livre de Gianpiero Bottinelli, Louis Bertoni, une figure de l’anarchisme ouvrier à Genève, pages 41-43.
[2] La Fédération des Unions ouvrières de Suisse romande, cf. le livre de Gianpiero Bottinelli, Louis Bertoni, une figure de l’anarchisme ouvrier à Genève, pages 39-41.
[3] Certains camarades "sont à la fois consternés et stupéfaits de sa répugnance, de son insurmontable aversion pour le néomalthusianisme" (Louis Avennier : Considérations à propos de l’Affaire Bertoni, Genève, 1909).
[4] H. Baud : "Les Organisateurs", in La Voix du Peuple, Lausanne, 2.3.1907.
[5] L. Bertoni, Il Risveglio, 10.6.1905 ; dans cet article, Bertoni se réfère surtout à la situation italienne. Les "anti-organisateurs" — voir au chapitre I — sont individualistes dans leur tactique, c’est-à-dire qu’ils refusent toute organisation spécifique, qu’ils considèrent comme toujours autoritaire, mais, contrairement aux individualistes, ce sont des "communistes anarchistes" quant à leur conception de la société. Ils exerceront une certaine influence dans les années vingt et trente, surtout parmi certains émigrés italiens en Suisse alémanique ; le courant individualiste, en revanche, ne trouve pas en Suisse de terrain fertile.
[6] L. Bertoni : "Il nostro convegno", in Il Risveglio, 12.7.1930. Les responsables du bimensuel La Rivolta sont Mario Aldeghi, Ettore Bartolozzi et Giulio Barni ; la publication s’arrêtera après un an (1.5.1912 — 1.6.1913). Elle a compté parmi ses collaborateurs, pour quelques articles, le jeune socialiste tessinois Guglielmo Canevascini. Bartolozzi sera expulsé de Suisse à cause d’une conférence donnée à Berne en faveur de la "bande à Bonnot".
[7] On peut trouver d’autres biographies de collaborateurs de la Voix du Peuple dans la rubrique consacrée au Réveil socialiste-anarchiste, puis Réveil communiste-anarchiste.