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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Sexualité et travail
{Le Gauchiste}, n°4, Octobre 1969, p. 14-16.
Article mis en ligne le 26 mars 2014
dernière modification le 15 mars 2014

par ArchivesAutonomies

"La fonction naturelle de la sexualité est de procurer le plaisir de toutes les zones de corps."

FREUD.

Contrairement à ce qui est communément répandu, principale­ment par l’idéologie dominante, la psychanalise considère que la vie sexuelle de l’homme commence bien avant la puberté. La poussée sexuelle s’effectue en deux temps.

SEXUALITÉ ENFANTINE. APPRENTISSAGE DE LA DOULEUR

La première poussée s’opère au cours de la première année et se développe progressivement jusqu’à la quatrième environ.
A la naissance, le corps entier de l’enfant est sexualisé, c’est-à-dire apte à lui procurer une somme maximum de plaisir. La simple observation d’un nouveau-né auquel on prodigue des tendresses suffit à vérifier cette idée.
Puis, il s’ensuit une période d’apaisement qui va de la cinquième à la onzième année. Cette période correspond aussi à celle où l’enfant commence un vie scolaire, son éducation. Or, avant et au début de cette période, l’activité de l’enfant est de nature ludique l’activité quelle qu’elle soit est un jeu. Ce jeu, d’essence érotique lui procure du plaisir. Il est très important de bien comprendre que c’est le plaisir, c’est-à-dire la satisfaction sexuelle, qui régit la vie de l’enfant à son jeune âge/
Pendant cette période d’apaisement, les instincts sexuels, laissés sans emploi, peuvent être détournés de leur but et se mettre au service de toutes sortes d’activités "profitables" à la société. La famille et l’école font tous leurs efforts pour préparer les indi­vidus à se soumettre au travail aliéné.
L’éducation (familiale, scolaire, télévisée) supprime au fur et à mesure de leurs manifestations toutes les tendances sexuelles de l’enfant, contraint celui-ci à refouler ses instincts et s’adapter au milieu social. Cet apprentissage de la "sociabilité” se fait au détriment du plaisir de l’enfant avait avec le jeu ou les autres activités auto-érotiques. Ce plaisir est remplacé par le déplaisir et la douleur grâce à l’urbanisme, à la vie scolaire (discipline, devoirs, horaires, etc...), aux loisirs organisés (télé, colonies, etc... )

FONDEMENT POLITIQUE DE LA REPRE5SIQN SEXUELLE :

Dans quelle société vivons-nous ?
Une rapide analyse permet de voir que la vie d’un homme est basée sur son exploitation physique et morale par une "société hiérarchisée, centralisée, bureaucratisée, divisée en dirigeants-exécutants exploiteurs-exploités".
La journée d’un homme se divise ainsi : presque autant de temps de travail que de temps de sommeil. On peut considérer que le temps libre n’occupe qu’environ quatre heures par jour (c’est une hypothèse évidemment).
Constatons que la vie sociale est de nature douloureuse, la principale source de douleur étant le travail aliéné et forcé. Cette primauté de la douleur comme seule satisfaction est voulue et maintenue par la société, et plus, précisément par la classe domi­nante, que cette classe soit d’essence féodale, bourgeoise, bureau­cratique.
Précisons que la domination peut être le fait aussi bien des capitalistes que d’une avant-garde révolutionnaire.
Le principe régissant la vie de l’enfant étant le plaisir on imagine très bien la mort de ces structures sociales anti-naturelles si la jeunesse pouvait le conserver assez longtemps. En effet, recherchant toujours le bonheur intégral dans toutes ses activités, comment les contraindre au travail aliéné et douloureux, à cette exploitation qui les attend jusqu’à leur mort ?
L’enfant, de par sa sexualité, est un danger pour la société qui, par l’éducation, amnésie cette sexualité enfantine.
Il lui faut, par tous les moyens, transformer le corps instrument de plaisir, en corps instrument de travail. C’est le seul but de toute l’éducation familiale et scolaire.

AMNÉSIER LA SEXUALITÉ ENFANTINE, LA PUBERTÉ

L’idéologie dominante répand l’idée que la sexualité de l’homme nait au moment de la puberté. Elle essaie par là de faire oublier là sexualité enfantine qu’elle a réprimée et qu’elle continue à réprimer en amnésiant la mémoire, le souvenir du plaisir sexuel et ludique de huit premières années. Ce bonheur là doit être enterré : c’est en cela que consiste l’adaptation sociale et l’édu­cation familiale et scolaire.
Que se passe-t-il à la puberté du point de vue sexuel ? A la puberté, la sexualité sc centralise sur les organes génitaux : c’est la sexualité génitale qui diminue, sans les supprimer, les possibilité érotiques du reste du corps. La société fait tout pour que cette centralisation soit maximum, libérant ainsi le reste du corps qui, désexualisé, ne peut être utilisé pour le travail social. L’"énergie" sexuelle se concentre dans une partie du corps, laissant presque" tout le reste, disponible, en vue d’une utilisation en tant qu’ins­trument de travail."

MARCUSE.

La plupart des satisfactions extra génitales sont prohibées en tant que perversions, l’uniformité sexuelle ne tolère, pas la sexualité en tant que soirée autonome de plaisirs, et n’est disposée à l’admettre qu’en tant que moyen de reproduction s’intégrant dans une planification démographique.
Dans toute société, la grande majorité de la population est vouée au travail et ce qui devient activité fondamentale et quasi permanente n’est pas source de plaisir, mais, au contraire est non sexuelle et douloureuse en opposition au jeu (création libre et spontanée de nature érotique). Le corps doit se soumettre à un enrégimentement répressif. La douleur domine le plaisir.
En ce sens, la véritable libération de la sexualité génitale ne consiste pas, a accorder aux jeunes la possibilité abstraite d’avoir des rapports sexuels, mais, la possibilité d’en
obtenir le maximum de plaisir. Cette possibilité se fond dans la perspective d’un changement radical et total de la société actuel. Elle annonce le remplacement de la survie-douleur par son contraire naturel : la vie-plaisir.

TRAVAIL ALIÉNÉ ET TEMPS LIBRE CULTURE.

L’homme dispose, entre le temps de travail et le temps de sommeil et de nutrition, d’un certain temps libre, pendant lequel on pourrait supposer qu’il satisfait ses besoins sexuels et son manque de plaisir. Or, on constate que l’aliénation et la répression débordent largement le temps de travail. L’uniformité, la longueur, la fatigue du travail aliéné transforment la possibilité de satisfaction sexuelle en repos, détente, récupération, préparation vitalement nécessaire pour refaire ce travail aliéné.
A l’intérieur des sociétés hiérarchisées, les luttes ouvrières parcellaires ont pour conséquence la réduction du temps de travail aliéné, compensée par une augmentation du temps libre. Remarquons tout de même que le pouvoir s’arrange toujours pour augmenter a nouveau le temps de travail (mythe de la semaine de 40 heures). La société crée alors une autre forme d’exploitation, l’aliénation morale et intellectuelle : l’industrie culturelle dont la finalité est le contrôle répressif de ce temps libre, contrôle qui se manifeste par une déviation de la sexualité vers des formes et des modes qui affaiblissent l’énergie érotique, donc la puissance orgastique c’est-à-dire la puissance d’éprouver du plaisir. (Pour plus de renseignements, lire "la fonction de l’orgasme" et "la révolution sexuelle" de Wilhelm REICH. La société attache beaucoup d’importance à la culture dont l’effet puissant sur la : population opprimée appelle à une critique aussi radicale que cette oppression est intense.
Dans une société non hiérarchisée politiquement, économiquement, culturellement, le travail étant réduit au strict minimum nécessaire grâce au développement intensif de la technique, le temps libre permettra l’activité, ludique, le jeu, la satisfaction sexuelle, l’orgasme.
Critiquer notre misère sexuelle, critiquer radicalement notre société puisque la condition de libération sexuelle passe par un changement total du travail et des loisirs, par la suppression de la séparation travail-loisir. La critique de la c’est la critique de notre misère économique et politique, c’est aussi la critique de notre misère sexuelle.
N’envisager que l’un des deux aspects, c’est vouer à l’échec toute tentative de révolution sociale.

Extrait de : "LA MÈCHE" - B.P. 3020 - 31 - TOULOUSE -