Poésie : Une mer grise et uniforme prolonge l’horizon livide
{Marge}, n°13, Novembre-Décembre 1977, p. 7.
Article mis en ligne le 27 juillet 2013
dernière modification le 18 novembre 2013
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Une mer grise et uniforme prolonge l’horizon livideIvre de trop de vie, épuisée par les espoirs déçus,J’étire vers ce port lointain et inconnuUne âme ridée et fatiguéePar un trop grand amour des passions.Sur mon visage blafard nulle émotion.Ce dernier regard tourné vers le passéS’en ira mourir vers l’horizon livide.J’ai habité les tours de l’ambitionOù je n’ai cotoyéQu’orgueil, fierté et vanité.Recoins obscurs de la raison.J’ai marché dans ces rues sans frontièreOù les murs, semblables à des miroirs.Reflétaient l’image combien fièreD’une femelle méprisant l’espoir.J’ai vomi la pierre sainte des églisesEt élevé une âme pernicieuseVers ce ciel que je méprise.J’ai fondu mon ombreA l’ombre noires des prisonsEt regardé se corrompreLa naïve destinée de mes jeunes saisons.J’ai entendu vibrer, oreilles attentives,Les notes aiguës de la haine.Cette mélodie a erré dans ma plaineComme un souffle mort que le vent ravive.J’ai bu la poussière écumeuse des désertsOù la solitude brille de son feu le plus fortEt versé trop de larmes amèresSur le masque tendre et cruel de la mort.Maïs je vois enfin surgir devant moiCette mer grise et uniformeOù disparaît indubitablement tout homme.Elle engloutira à jamais cet être sans foi.
Isabelle Willaredt.