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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Nouvelles remarques inactuelles
Les mauvais jours finiront... Bulletin N°4 – Septembre 1987
Article mis en ligne le 19 janvier 2019
dernière modification le 9 janvier 2019

par ArchivesAutonomies

+ "La division des hommes en acteurs et en spectateurs est le fait central de notre temps. Nous sommes obsédés par les héros qui vivent à notre place et que nous envions. Si toutes les radios et toutes les télévisions étaient privées de leurs sources de pouvoir, tous les livres et tous les tableaux brûlés demain, tous les théâtres et toutes les salles de cinéma fermées, toutes les manières de vivre par personne interposée ou par procuration ..." (Jim Morrison).

Le spectacle le plus réussi et le plus fascinant que le pouvoir de notre époque déverse quotidiennement sur nous est la magie pyrotechnique de la lutte armée. Peu d’acteurs, beaucoup de seconds rôles et de comparses, et un parterre immense, le tout avec la savante régie amplificatrice des structures de communication de masse.

+ Ceux qui ont cru que des mouvements comme celui de 1968 se sont enlisés dans les sables mouvants du réformisme groupusculaire parce que le pouvoir disposait d’armes à feu tandis que ses adversaires ne possédaient que d’anachroniques frondes ("le Vietcong gagne parce qu’il peut faire feu"), ceux-là donc qui se sont jetés à corps perdu dans un effort pour se doter d’une centaine d’armes à feu, ont du mal à admettre aujourd’hui que le rapport de force a évolué en faveur du pouvoir : si ce rapport correspondait à mille armes contre une, il correspond aujourd’hui à six cent mille contre trois cents !

L’écart croît de façon géométrique et se fout du volontarisme arithmétique ! C’est un jeu qui présente d’étranges analogies avec le cirque électoral, pour la conquête des 51 % de projectiles...

L’attaque, réduite à un terrain unique et de plus conduite par des spécialistes, a induit une concentration et un renforcement du pouvoir sur un plan militaire (les mercenaires des polices privées sont désormais plus nombreux que les flics des polices régulières).

La critique — et la pratique — sectorielle et partielle sollicite la rationalisation et la modernisation de l’implantation militaire institutionnelle. C’est la "négation anémique" que le pouvoir s’incorpore pour survivre. La critique — et la pratique - est unitaire (c’est-à-dire qu’elle tend à investir d’elle-même la totalité des institutions et des idéologies qui les soutiennent) ou n’est rien.

+ Quand on pense à la réalité russe où, en 1905 et 1906, les anarchistes armés supprimèrent environ quatre mille fonctionnaires et personnalités tsaristes, il est facile de comprendre que ce qui se produit aujourd’hui, ce n’est pas une guerre civile menée par une communauté qui s’insurge contre toutes les conditions de la domination — mais sa contrefaçon apprêtée par les metteurs en scène des grands moyens de communication, sa transposition en un psychodrame dilaté par les spécialistes en "humanité différente". La réflexion devrait, en passant, s’arrêter un instant sur la considération suivante : malgré cet acte collectif de 1905-1906, malgré cette radicalité d’intention, le résultat a été cet Etat "soviétique" scélérat qui a banni jusqu’à la liberté de pensée.

Les émules contemporains, avec leurs balances d’apothicaire et leurs allures d’employés de justice ne sont rien d’autre que l’écho lamentable d’un passé que le pouvoir circonscrit, stérilise et utilise sans peine, afin de "prolonger" le spectacle de la représentation inversée de la réalité et d’instituer un mur de béton qui sépare encore une fois le prolétariat de lui-même et de l’implosion de ses passions — celles-là vraiment destructrices et capables d’investir la totalité de la socialité.

+ Ce qui se produit donc aujourd’hui, non seulement n’est pas une guerre civile, mais n’est même pas une vraie guérilla. Comme l’écrit Rudolph de Jong "(la guérilla est)... une guerre à petite échelle, omniprésente, soutenue par toute la population, ou par de larges secteurs de celle-ci, et dans laquelle celui qui y participe continue le plus longtemps possible sa vie quotidienne et son travail. (...) Mon concept de guérilla authentique implique que le guérillero "professionnel" qui a abandonné sa vie ordinaire, n’en fait pas partie. L’Armée Rouge de la "Longue Marche" des années trente, les colonnes de Fidel Castro dans la Sierra Maestra, le groupe bolivien de Che Guevara, n’appartenaient pas à la vraie guérilla. Ces forces représentaient le noyau d’une nouvelle armée, le foco — mot en vogue dans les années soixante — d’une nouvelle structure normale dirigée par un pouvoir".

La différence qualitative entre d’une part la guérilla réduite à une action de professionnels et confinée au seul champ clos de l’économie-politique (c’est-à-dire au besoin de marchandises) et d’autre part la guérilla zapatiste est du même ordre que celle qui sépare la vie et les images de celluloïde qui tentent de la reproduire.

Dans le Morelos, c’était la population indienne de l’antique communauté qui se rebellait, parce qu’avec la menace de les exproprier de leurs terres, dans le but de permettre l’expansion de l’industrie sucrière, toute leur vie était menacée, avec ses valeurs, ses rythmes quotidiens, son intensité communautaire. Il s’agissait de la rébellion d’une communauté qui refusait le modèle de survie dont l’industrie était porteuse et qui désagrégeait les formes jusqu’alors vivantes dans lesquelles tous se reconnaissaient. Dans cette rebellion générale étendue à tous les aspects du quotidien, il n’y avait pas place pour les spécialisations, pour les rôles fixés à l’avance qui tendent à se transformer en profession. En un mot : ils combattaient l’ennemi qui voulait les domestiquer non pas en adoptant les schémas et l’idéologie de celui-ci, mais en les niant radicalement.

Ils refusèrent la lutte mimétique et adoptèrent la doctrine des contraires ; la négation de l’existant était déjà perceptible dans la nature des moyens utilisés. Les makhnovistes russes en firent autant ils n’étaient pas une poignée d’hommes en arme, mais une vaste communauté qui s’était agrégé selon d’autres critères, qui produisait en travaillant la terre selon des critères différents de ceux qui leur avaient été imposés jusqu’alors. Ces individus avaient instauré des rapports interpersonnels et fédératifs entre des groupes de base de plus en plus socialisant et... combattaient les Rouges et les Blancs.

+ Les acteurs contemporains de la lutte armée se laissent encore aller à d’équivoques théorisations sur le "contre-pouvoir", reproduction miniaturisée et renversée de l’existant dont elle constitue l’autre face, et ils ne s’aperçoivent pas qu’ils ont déjà reproduit entre eux ce monde que par un délire volontariste ils croient nier. Le processus de transformation de la réalité et de l’homme se résume pour eux à un élargissement progressif du "contre-pouvoir" jusqu’à ce qu’il devienne Pouvoir, élargissement que l’on veut obtenir en exaspérant la mutilante partialité de la réduction squelettique de la subversion sociale à l’ombre d’une "forme militaire" manœuvrée par des tayloristes spécialisés et rassemblés én corporations combattantes.

A ces myopes sectateurs du "contre-pouvoir" nous rappelons ce que G. Sadoul écrivait dans La Révolution surréaliste de décembre 1929 : "Je saisis ici l’occasion de saluer la Guépéou, contre police révolutionnaire au service du prolétariat, nécessaire à la Révolution russe autant que l’Armée Rouge". Et ce qu’écrivit Aragon dans Front Rouge (1931) : "Vive la Guépéou, figure dialectique de l’héroïsme !"

La "lutte armée" ne veut pas franchir un seuil : on ne peut être négation du pouvoir, anti-pouvoir, qu’en étendant la critique à la subjectivité colonisée par le capital, soumise à l’objectivité de la marchandise intériorisée et devenue Moi, c’est-à-dire en l’étendant à la logique intériorisée du pouvoir, qui devient réflexe conditionné. Autrement dit, on ne peut pas nier le pouvoir en se contentant de s’opposer à quelques figures-fonctions-rôles de la domination en acte (flic, caporal, chef d’atelier, etc.).

Ce "combat" unidimensionnel de la "lutte armée" est tout entier tendu vers l’obtention du pouvoir sur la production de marchandises, ce qui en réévalue l’objectivité. Il exprime en particulier une critique-pratique moraliste contre les petits chefs. Et c’est là que "guérilleros" se dispensent d’exercer la critique contre leurs subjectivités qui... reproduisent plus de pouvoir qu’elles n’en détruisent.

+ Quant à ceux qui laissent une main sous la presse, ou qui voient leurs poumons se dessécher dans les mines ou qui choisissent un travail tellement nocif qu’un pourcentage annuel constant traduit une sentence de mort ; quant à ces adeptes des cycles productifs de la chimie pestilentielle ou ces sectateurs du nucléaire, qui exposent leurs corps à tous les dommages et qui portent dans leur chair les cicatrices du travail... eh bien, ils n’en sont pas pour autant capables de déserter le rôle qui leur est imposé, ni de dissoudre la cage imaginaire de la fonction à laquelle ils ont été condamnés.

Par quel miracle quelques têtes de moins, quelques jambisations de plus et un taux accru de paranoïa auraient-ils pour effet (miraculeux) d’amender les imbéciles, ou de bonifier un marais de petits chefs (grégaires) ?

En sous-estimant les conséquences de la pédagogie de la terreur (en frapper un pour en éduquer cent), on montre qu’on ne sait pas distinguer entre le vol du pavé et la mystique purifiante et purificatrice et qu’on demeure englué dans le labyrinthe de la vendetta. Celui qui croit se valoriser en décidant de tailler dans le labyrinthe est contraint de s’immerger dans ces eaux, là où c’est le pécheur qui a décidé de jeter le filet.

+ S’agit-il de frapper les marchandises, les technologies, le cycle de reproduction d’un présent inaltéré, c’est-à-dire de frapper le mécanisme, ou bien s’agit-il de s’en prendre aux hommes ? Les chrétiens pleins de ressentiments et les manichéens s’en prennent aux personnes.

La condition du prolétaire est donnée par la conscience de n’avoir aucune prise sur sa propre vie. Les autres — les suiveurs et les petits chefs — ont-ils un sort différent ?

A moins qu’on ne veuille exclure a priori tout caractère d’humanité du procès de transformation radicale, il faut conclure que le tonnerre manichéen, qui est effectivement déterminé par les rapports sociaux dominants, est un raccourci qui mène sur le fumier de ce qui détermine la réalité présente, à laquelle nous ne pouvons nous soustraire.

La critique doit être un laser qui agit en profondeur. "Le dilemme est d’organiser la lutte contre la mort sans sacrifier la vie, qui n’est pleinement telle que dans la liberté de la spontanéité" (O. Alberola). Il s’agit de frapper le système et non ses valets, parce que la couleur de leur livrée nous informe sur leur maître et non sur eux-mêmes. Une chaîne de montage sabotée, stoppée, qui en tout cas ne produit plus, fait d’un petit chef quelqu’un qui a perdu sa fonction de contrôle hiérarchique sur les ouvriers ; dès ce moment ils échappent à leur condition de "salariés" pour devenir des oisifs.

Nous ne voulons plus rien savoir ni des marchandises ni de leur impérialisme totalitaire qui broie la vie, nous ne voulons nous intéresser qu’aux êtres humains.

A l’inverse, pour le capital, les êtres humains ne sont rien, et les marchandises tout. Il sacrifie en toute tranquillité les premiers aux secondes. C’est pourquoi il est la force la plus nihiliste de ce temps.

+ La "lutte armée" réussit au mieux à "déstabiliser" les équilibres de la sphère fictive du politique, mais elle ne déstructure pas le monde des institutions, les circuits balisés des hommes aliénés, étrangers à eux-mêmes et à leurs propres désirs : ils ont perdu la boussole qui mène au principe de plaisir.

La critique qui émane de la lutte armée s’arrête à l’apparence des choses (tant des objets marchandises que des objets-êtres humains), elle ne pénètre pas en profondeur, elle n’atteint pas à la racine des choses qui est l’homme lui-même, et cela parce qu’elle ne sait pas en reconnaître les aspirations profondes, les identifier au cœur même de l’être humain, être qui s’affirme comme tel par le refus de la déshumanisation qu’on veut lui imposer.

Au lieu d’exalter avant tout les discontinuités, les ruptures, les différences, les anomalies et les perversions de sa propre subjectivité, il s’identifie à un rôle "respectable", il mime la normalité pour les reproduire, valorisées par un surplus d’idéologie... et c’est ainsi qu’a commencé le ballet par lequel le moi a perdu de vue sa propre identité. ainsi que sa volonté de jouissance, dans ce cirque d’individus domestiqués qu’est le monde de la survie.

+ Il n’y a rien d’étonnant si, par la suite, la "lutte armée" se révèle pour ce qu’elle est essentiellement : routine, logique quantitative, répétition obsessionnelle. La "lutte armée" comme facteur endémique, comme culture bactériologique tout juste capable de se reproduire ; variable de la politique qui devient de plus en plus prévisible, contrôlable, programmable. Variable devenue constante   ! Un prix à payer — incorporé dans les bilans prévisionnels pour la reproduction permanente du pouvoir.

Dans le jeu de la subversion contre l’ordre déshumanisé, il est temps d’introduire d’autres variables et d’autres jeux.

La pratique subversive qui s’est exprimée dans les pillages et dans la destruction des horreurs urbanistiques lors du black-out de New-York a démontré que tous ceux qui sont possédés par la volonté de vivre connaissent leurs propres besoins, et savent les satisfaire pour peu que se présentent des conditions un tant soit peu favorables ; toute logique d’héroïsme est bannie d’une telle activité. Cette pratique subversive s’est révélée incontrôlable par les rackets avant-gardistes (politique ou "combattant").

Quand l’émancipation est — littéralement — l’œuvre des exploités eux-mêmes, tous les "segments organisés" y sont étrangers ; personne ne revendique, personne n’a le cœur de se limiter à revendiquer le spectacle dans la passivité du spectateur et du supporter.

+ Celui qui fait encore la séparation schizophrénique du temps en le divisant en présent et futur, avec le présent comme purgatoire pour accéder au paradis, est un enfant de coeur qui s’obstine à demeurer dans les limbes de l’aliénation, c’est un médiateur politicien entre le présent et le lointain passé "révolutionnaire".

Il éternise la maxime chrétienne : "il n’y a pas de jouissance sans douleur   !" qui ne saisit pas que "Révolution signifie retourner la clepsydre. La subversion, c’est autre chose : elle signifie que l’on rompt, que l’on élimine la clepsydre" (Dubuffet).

L’insolence n’est pas de le dire mais de le faire.

+ La "lutte armée" est un mythe. Dans le passé d’autres mythes ont également joué un rôle de médiation entre les exploités : par exemple celui de la grève générale qui aurait dû balayer les classes dominantes.

Le mythe se construit et prend racine dans l’esprit et les espérances des subordonnés parce qu’évidemment ceux-ci en ont besoin, et sont porteurs de ce type particulier de "demande". C’est une réalité qui prend corps par suite de déterminations multiples : elle dépend de celui qui fait la "demande", de celui qui la "satisfait", de la manière dont cette "satisfaction" est présentée, et de celui qui la cultive à partir de tel ou tel moyen de communication pour la massifier.

Il y a mythe quand il y a absolutisation d’un instrument, d’un moyen de lutte particulier, c’est-à-dire quand quelque chose qui n’a de validité qu’en combinaison avec diverses méthodes d’attaque est prise pour une totalité. Elle finit par être prédilection pour la note monocorde isolée du concert polyphonique.

Cette absolutisation d’une pratique partielle devient possible dans une structure de type religieux, qui, loin de tendre à l’auto-libération, attend de l’extérieur de soi la libération. La révolution est vue comme eschatologie.

Le mythe est une force propulsive qui mène à la paralysie, alimente l’espérance "politique" dans le futur (c’est la forme moderne de la religiosité) et brouille les contours du réel en les opacifiant, il rend même possible que la bosse d’Andreotti passe pour le châs de la lutte armée, tandis que la jambe de polio d’Agnelli continue à skier.

+ Le syndicat est la structure qui reflète ou reflétait, en les réfractant, le spectre des besoins économiques du salarié, et qui tentait de les satisfaire tout en composant avec la nécessité de sauvegarder la cohabitation entre capitalistes et salariés, ce qui lui permettait de continuer à faire fonction de médiateur.

Les partis "ouvriers" sont des structures qui reflètent les besoins les plus fictifs, pulvérisés, raréfiés, falsifiés.

Au moment où les prolétaires commencent à refuser la division de leurs intérêts en deux catégories, économique et politique, et prennent leurs affaires en main, la "lutte armée" se pose en structure capable de régir l’exercice de -la vengeance, appelée aussi "justice. Prolétarienne". C’est une structure qui représente la sphère de ce que l’on appelle les "bas instincts", et qui a pour cela besoin de ses public relations, de ses délégués qui rassemblent les doléances de la "base" pour les transmettre aux militaires du "sommet", afin que l’on passe ensuite à l’exécution.

Le rapport entre "base" que l’on appelle à s’exprimer, délégués envoyés au sein des masses et sollicités pour compiler les indices de satisfaction à propos des actions effectuées, et enfin états-majors opérationnels demeure inaltéré. Cela ne change rien qu’il s’agisse de politiciens, de syndicalistes, d’animateurs culturels ou d’acteurs de la lutte armée.

C’est un modèle qui ne présente rien de structurellement nouveau. Même si l’optique inversée des terroristes impute à la "base" la responsabilité de sa prétendue inactivité et aime se penser et se représenter comme le "détachement avancé" exprimant l’antagonisme social alors que tous sont muets et aveugles.

+ F.L.N., F.A.L.N., E.L.N. E.R.P., M.L.N., Tupamaros, Black Panthers, Weathermen, Gauche Prolétarienne, M.I.L., G.A.P. F.R.A.P., etc. ; voilà une liste à peine esquissée qui renvoie à divers contextes géo-politiques, et qui dément le triomphalisme guérillériste d’importation. Elle confirme aussi l’échec de toutes les formes connues à ce jour de réduction de la pratique subversive et de son avilissement en un sous-militarisme qui prétend entrer en compétition avec le militarisme institutionnel. Seule une pratique qui combine tous les moyens de lutte possibles pour former une combinaison capable d’assiéger tous les moments de reproduction du pouvoir peut concrétiser des phases de la libération.

Quand pour nous répondre on nous présente les exemples du M.P.L.A., du P.A.I.G.C., du Front Algérien, etc. comme des "victoires", nous savons qu’elles ont permis que s’exprime la nouvelle domination historique des bourgeoisies d’Etat, qui peuvent aujourd’hui choisir entre les divers "impérialismes" à disposition.

+ A l’heure actuelle, les vrais négateurs de la prison sociale peuvent combiner leur volonté de vie avec les ressources d’une fantaisie réveillée, avec la guerre intérieure conduite dans la cellule d’isolement du moi (pour expulser les tabous, les règles, les normes, les éthiques), avec les potentialités des corps devenus conducteurs de plaisir, avec l’identification du Pouvoir dans les temps morts et les aliénations qui étouffent la vie quotidienne (et non avec l’invention de strates sociologiques toujours nouvelles et "plus combatives"), avec la redécouverte du nomadisme et de la désertion accélérée des rôles, avec la connaissance entendue comme expérience vécue dans le mouvement erratique et non comme un fait exclusivement cérébral, avec la décodification de tous les langages que le pouvoir emploie pour nous parler...

Apprenons à reconnaître la subversion quotidienne dans les termes où la vivait Bakounine en 1848 : "II semblait que l’univers entier fût sens dessus dessous ; l’incroyable était devenu commun, l’impossible possible, et le possible et l’habituel absurdes !".

(extrait de Anarchismo n°23/24)