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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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JLD, "Les soixante-dix ans des Cahiers Spartacus"
Gavroche n°149, Janvier-Mars 2007
Article mis en ligne le 21 août 2016
dernière modification le 16 juin 2018

par ArchivesAutonomies

Au fil du temps, ils sont devenus des classiques qui aujourd’hui encore gardent toute leur pertinence. Créés et animés jusqu’à son décès par René Lefeuvre (1902-1988), les Cahiers Spartacus occupèrent, dès l’origine, une place à part dans le débat politique qui agite l’ensemble du mouvement révolutionnaire. Ils permirent à de nombreux lecteurs, curieux et méfiants à l’égard de la langue de bois, de découvrir des textes introuvables par ailleurs. Des textes qui, aux confins des idées professées par Rosa Luxemburg, Henry Poulaille, Boris Souvarine ou encore Marcel Ollivier, éclairaient la réalité des combats politiques de leur temps d’un point de vue décalé, critique et, au regard du contexte à proprement parler audacieux. C’est donc en octobre 1936 que fut publié le premier opus d’une longue série. Il s’agissait d’un texte de Victor Serge qui relatait le premier grand procès stalinien au cours duquel furent éliminés Zinoviev, Kamenev et Smirnov. Et ensuite, persévérant dans cette logique, en 1949, les Cahiers publièrent le document de Guy Vinatrel sur l’univers concentrationnaire soviétique qui provoqua une campagne de diffamation de la part des staliniens. Spartacus, éditeur d’Anton Pannekoek, marxien plus plus que marxiste, ouvert aux idéaux libertaires, qui du simple fait de choisir librement ses textes, adoptait une posture insolente dictée par le refus de se soumettre aux injonctions des communistes de parti, s’exposait à payer le prix fort, et à tous points de vue. Dans la France de l’après-guerre, ce n’était pas une mince affaire que de garder le cap malgré les calomnies et les diffamations. Il fallait non seulement de la constance et de l’audace, mais aussi une détermination politique peu commune pour tenir coûte que coûte. René Lefeuvre, un temps militant de la Gauche révolutionnaire au sein de la SFIO, proche de Marceau Pivert avec qui il créera en 1938 le Parti socialiste ouvrier et paysan, gardera tout au long de sa vie cette énergie, cette détermination et surtout cette curiosité qui nourrissaient son combat. Les Cahiers Spartacus offrent en effet un choix de titres hors du commun qui sont le reflet du courage politique d’un homme et de sa grande curiosité intellectuelle. On y trouve des auteurs aussi importants que Rosa Luxembourg avec notamment Marxisme contre dictature ou le texte incontournable de Maurice Dommanget, Enragés et curés rouges en 1793, Jacques Roux, Pierre Ollivier, ainsi que celui, désormais classique, d’André et Dori Prudhommeaux, Spartacus et la Commune de Berlin, sans oublier bien sûr Les notes pouvant servir à l’histoire de la Commune de Jules Andrieu (il s’agit d’un livre édité par Payot dont Spartacus a récupéré la fin de série grâce à Louis Janover et Maximilien Rubel). Et dans une actualité plus contemporaine, des signatures aussi diverses que celles de Charles Reeves, un des animateurs de la revue L’Oiseau-Tempête, d’Henri Simon, animateur de la revue Echanges & mouvement, côtoient celles de Marcel Cerf, membre éminent des Amis de la Commune 1871, ou celle du très célèbre mais néanmoins controversé Noam Chomsky.

L’équipe actuelle a repris le flambeau et s’attache à poursuivre le travail éditorial initié par René Lefeuvre. Ils ont fait leur la maxime de Condorcet, qui affirme que "la vérité appartient à ceux qui la cherchent et non à ceux qui prétendent la détenir". Gageons que les lecteurs de Gavroche s’y reconnaîtront, partageant le même appétit de savoir et le même besoin de s’enrichir des réflexions et des pratiques du passé pour comprendre le présent.

JLD